Le retard de la France sur la digitalisation du secteur pharmaceutique risque de compromettre le développement du marché de la vente en ligne de médicaments. On distingue sur ce marché les e-pharmacies (rattachées à des officines physiques) et les plateformes de livraison de médicaments.
La Longue Vue répond pour vous à diverses problématiques : À quelles réglementations le secteur pharmaceutique français est-il confronté ? Comment peut-il concurrencer les sites de e-commerces européens ?
Le retard de la France sur la digitalisation du secteur pharmaceutique par rapport à ses voisins européens
De part la réglementation sévère régissant le secteur pharmaceutique français, la France fait face à un retard de digitalisation par rapport à ses voisins européens. En effet, les ventes en ligne de médicaments (sans prescription) représentaient en 2018 environ 2% des ventes de médicaments en France. En Allemagne, ce chiffre est de 15%. Cette différence s’explique notamment par un manque d’harmonisation du cadre législatif au niveau européen.
On peut distinguer en Europe deux types de réglementations qui régissent la vente en ligne de produits pharmaceutiques.
Tout d’abord on retrouve la réglementation dont les produits sont soumis à l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM). Les produits concernés sont les médicaments (effet thérapeutique) qui nécéssitent des études longues pour évaluer leur efficacité et leur toxicité.
Cette réglementation se divise en 3 catégories :
Ensuite, on retrouve la réglementation dont les produits ne sont pas soumis à l’AMM. Elle concerne la vente en ligne de produits parapharmaceutiques et de compléments alimentaires. Elle n’oblige pas le rattachement à une officine. La vente en ligne de ces produits est possible sur tout le territoire européen et ils peuvent être vendus par des e-Commerçants généralistes (Ex : ELeclerc).
Les sites de e-commerce européens favorisés par la législation de leur pays d’origine
La réglementation française ne permet pas aux pharmacies en ligne française de lutter à armes égales avec les sites de e-commerce européens.
En octobre 2020, un litige a eu lieu entre l’Union des groupements de pharmacies d’officine (UDGPO) et la e-pharmacie néerlandaise Shop-Apotheke qui avait inséré en 2015 des tracts publicitaires dans des colis expédiés par Zalando ou La Redoute (méthode de l’asilage). Elle avait également payé pour du référencement sur les moteurs de recherches à destination du public français. A ce litige, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a donné raison à la e-pharmacie néerlandaise. En effet, elle a considéré que la réglementation européenne ne s’oppose pas à ce qu’un État membre applique une réglementation nationale (néerlandaise dans ce cas précis) dérogatoire en matière de vente et de publicité en ligne pour des médicaments non soumis à prescription médicale.
Le point positif ? En novembre 2021, l’État français a notifié à la Commission européenne et aux États membres le besoin pour les e-pharmacies de ces États de respecter la réglementation en vigueur dans la vente en ligne de médicaments, notamment en terme de publicité.
Comment les pharmaciens peuvent-ils faire face à la concurrence européenne ?
Être présent sur internet est devenu primordial pour les pharmacies, à l’heure où 95% des français sont équipés d’un téléphone mobile, dont 77% d’un Smartphone. En 2020 durant la crise sanitaire, les grosses e-pharmacies européennes telles que pharmacielafayette.com ou Shop-Pharmacies ont vu leur ventes progresser de près de 25% par rapport à 2019, avec une hausse de 123% en avril 2020 sur le secteur Hygiène-Santé-Beauté. Globalement, les ventes en ligne de produits de parapharmacie ont augmenté en 2020 de 63%. Cela peut notamment s’expliquer par l’envie des Français de rester chez eux et commander en ligne afin d’éviter les grandes files d’attente dans les pharmacies et les situations de « cas-contact ».
La crise sanitaire a été propice à la popularisation de start-up basées sur la livraison de médicaments et produits pharmaceutiques. Des entreprises tels que Livmed’s, Pharmao ou encore Dolipharm proposent ainsi ce service de livraison à domicile ou au travail. Le principe ? Le patient télécharge son ordonnance sur le site ou l’application de l’entreprise, sa commande est préparée par un pharmacien et il peut recevoir sa commande en moins de 2 heures. Grâce à l’accès au dossier médical partagé, le pharmacien peut accompagner le patient de la meilleure façon. Il peut également interagir via tchat ou appel téléphonique avec le patient pour un suivi plus précis.
Ce type de service s’avère très utile notamment face au vieillissement de la population. En effet, les personnes ayant du mal à se déplacer peuvent recevoir des médicaments et produits de pharmacie directement chez eux. De plus, ces services permettent de faciliter le travail des pharmaciens en désengorgeant les officines où le manque de personnel est de plus en plus problématique. Ils permettent également d’étendre la zone de chalandise des pharmacies.
Il est ainsi conseiller aux pharmaciens de s’interesser de plus près à ce type de service qui risque de se populariser de plus en plus et de renforcer la proximité et la confiance entre les pharmaciens et les patients.
En conclusion, même si le cadre législatif français ne permet pas de concurrencer les sites de e-commerce étrangers, il est essentiel pour les pharmacies d’augmenter leur présence en ligne pour faire face à l’évolution du secteur pharmaceutique.